Entre l'air et l'eau

Les vrais principes de la psychologie humaine

Benoît Léonard
Psychologue

82 avenue E. Müllendorff,
B-4800 Verviers
Belgique

 

Extrait du n° 5
(Des modèles pour s'entendre)

 

Entretenir des relations personnelles

 

1. Limiter la confiance

Si vous voulez établir des relations personnelles saines et durables, n'accordez pas trop vite votre confiance. Ne demandez pas non plus à vos partenaires de vous faire confiance. Basez votre relation sur des faits et sur des comportements observables, et non sur des idées ou des valeurs désincarnées.

Ne pas faire crédit

Pour entretenir des relations agréables avec les autres, il faut s'accommoder de leurs différences et même de leurs défauts, mais il ne faut pas tout accepter.

Exemple : J'ai un copain très sympa, mais qui fume. Je ne lui permettrai pas de me faire tousser, mais je resterai son ami s'il ne fume pas chez moi.

Quand on a établi une relation personnelle avec quelqu'un que l'on apprécie beaucoup, on est souvent tenté d'ignorer des problèmes importants ou dangereux pour ne pas gâcher le plaisir d'être ensemble, ou pour éviter la rupture. Parfois, on supporte des comportements franchement désagréables sans rien dire, dans l'espoir que tout ira mieux plus tard.

Ces espoirs-là sont souvent déçus. Pire, ils provoquent des ruptures: vous supportez des désagréments, vous espérez en être récompensé, et puis les résultats se font attendre. Vous avez l'impression d'avoir été trompé ou exploité.

Exemple : Mon amie est très sympa, mais elle frappe quand elle est en colère, ce qui me dérange énormément. Elle dit que c'est par manque d'amour et de soutien. Si je lui offre mon amour et mon soutien, et qu'elle ne se corrige pas, je devrai rompre ou supporter une relation qui ne s'accorde pas avec mes valeurs. En restant avec elle, je deviendrai désagréable, et elle y verra une raison supplémentaire de ne pas se corriger.

Méfiez-vous des promesses. Si vous acceptez des privations "pour faire plaisir", vous en attendrez toujours une récompense, et vous serez presque toujours déçu. Une relation saine et durable se fonde sur des échanges positifs, et non sur des espoirs ou des exigences.

D'abord la Bête adapte un peu son comportement, ensuite la Belle apprend à l'apprécier. Alors la Bête comprend l'amour et reprend forme humaine. Enfin seulement ils se marient.

N'acceptez pas des comportements qui vous déplaisent en espérant que cela ira mieux. Cela ne va jamais mieux. Au contraire, votre partenaire interpréterait vos efforts comme des signes de soumission, et il se croirait bientôt tout permis.

Eviter les périphrases

On gagne du temps et l'on réfléchit mieux si on prend l'habitude d'appeler un chat "un chat". Les périphrases expriment de la méfiance ou du mépris, non de la délicatesse.

Cherchez à tenir compte du point de vue des autres, mais ne tentez pas de penser à leur place. Exprimez votre point de vue, laissez-les exprimer le leur, et montrez que vous l'avez compris, mais ne cherchez pas à percer le mystère des personnes. Ne perdez pas votre temps à étudier le fonctionnement intime ou les «motivations profondes» de vos partenaires. On se comprend si peu soi-même. Apprenez à vous entendre sur les mots, sur vos préférences et sur vos valeurs. Respectez-vous l'un l'autre. Accordez vos horaires et vos priorités. La bonne entente et la compréhension mutuelle viendront petit à petit, à mesure qu'elles seront confirmées par les faits.

Dans une relation personnelle, l'important n'est pas de respecter les normes sociales, mais bien de se respecter l'un l'autre. Tourner autour du pot, c'est un manque de respect ou un manque de courage. C'est montrer que l'on accorde plus d'importance au respect des normes de son groupe social qu'à celui de ses partenaires.

Vous pouvez utiliser des périphrases quand vous ne trouvez pas les mots exacts, mais alors montrez bien que vous n'êtes pas satisfait de votre expression. Votre partenaire pourra peut-être vous aider.

Vous pouvez aussi utiliser les périphrases de votre partenaire, pour mieux vous faire comprendre, si elles s'accordent avec votre style et si elles vous permettent de communiquer plus vite. Vous montrerez du même coup votre volonté de vous adapter aux habitudes de votre partenaire.

Enfin, dans certains cas, on peut s'exprimer indirectement pour ne pas blesser les gens. On évoque vaguement un problème pour autoriser la conversation sur le sujet, mais on n'insiste pas. C'est une stratégie importante, certainement utile, mais on en abuse souvent. Ne faites pas comme ces gens qui évoquent un problème vaguement pour décharger leur responsabilité sur les autres.

A éviter: «J'ai bien dit qu'il y avait un suspect nommé Dutroux, mais elle n'y pas prêté attention.»

A l'opposé des périphrases, certaines allusions peuvent égayer la conversation ou la dispute, si les sous-entendus respectent toutes les règles.

Surveiller les messages implicites

Beaucoup de conversations comportent plusieurs niveaux: on dit une chose en clair (le niveau officiel ou explicite) et une autre «en douce» (le niveau implicite).

Exemple: Si Madame dit à Monsieur: «Range tes chaussettes», elle ne lui demande pas seulement de déplacer du linge. Elle instaure aussi une relation où elle donne les ordres.

Le message implicite ne change pas toujours si on s'exprime autrement ou si on dissimule sa demande. Cela peut même être pire.

Exemple: En disant: «Ne crois-tu pas que tu devrais ranger tes chaussettes», Madame continue d'imposer ses normes, mais elle demande en plus à son mari de les partager.

L'essentiel d'une relation se passe souvent au niveau implicite, et c'est peut-être mieux ainsi: les allusions et les sous entendus sont plus difficiles à contrôler volontairement, et leur étude peut même servir de détecteur de mensonge:

La cohérence des messages implicites et explicites est utile et agréable, et les incohérences peuvent révéler des mensonges. Une communication facile et agréable prouve que vous partagez certaines valeurs. Cependant tout cela ne suffit pas pour fonder une vie commune, ni même une amitié. Ne boudez pas votre plaisir, mais n'abandonnez pas votre «radar à cornichons» si vous trouvez un partenaire sincère et qui vous comprend ! Profitez plutôt de l'occasion pour effectuer des contrôles plus approfondis.

L'étude des jugements de valeur (implicites et explicites) est souvent très instructive, et on peut la pratiquer dès les premières minutes de la relation.

Ne pas juger

J'ai pu apprécier plusieurs sagesses. Toutes conseillent de ne pas juger.

Dans notre modèle, on dira que les jugements de valeur empêchent la rencontre et l'intimité, parce qu'ils remplacent l'écoute et la reconnaissance personnelles par de simples «contrôles de conformité».

Il faut donc apprendre à ne plus juger si l'on veut entretenir des relations d'intimité personnelles, et à reconnaître rapidement les gens qui jugent si l'on veut éviter de gros ennuis.

Certains diront que les jugements sont nécessaires à la vie en société. C'est une erreur qui repose sur plusieurs confusions.

D'abord, il ne faut pas confondre un jugement de valeur et une condamnation judiciaire. Nous ne pouvons vivre ensemble que si l'on se met d'accord sur un certain nombre de principes et de conventions, et il faut bien prévenir et sanctionner (je n'ai pas dit punir ! ) ceux qui ne respectent pas les règles. Mais on ne peut pas vivre ensemble non plus si chacun se met à faire la justice lui même en émettant ses petites condamnations.

Ensuite, il ne faut pas confondre les valeurs et les préférences. En portant des jugements de valeur, nous entretenons la confusion entre les normes sociales et les désirs personnels, ce qui nous empêche d'établir des relations réelles ou authentiques. En exprimant nos préférences par contre, nous apprenons à mieux connaître nos désirs et à reconnaître ceux qui partagent nos goûts.

Exemple : Je préfère les carottes aux choux de Bruxelles. Cela n'implique pas que les choux de Bruxelles soient mauvais. Cela n'implique pas non plus que les gens qui les aiment soient mauvais. Mais il est clair que j'aurai du mal à m'entendre avec quelqu'un qui m'oblige à en manger.

Enfin, il ne faut pas confondre le comportement et son auteur. Le viol et le meurtre sont évidemment condamnables, et il faut les empêcher, mais il ne sert pas à grand chose de dire du mal des meurtriers. On ne réduira même pas la criminalité en infligeant de lourdes peines aux coupables. On calmera momentanément la foule, mais on entretiendra les désirs populaires de vengeance, on établira un climat de terreur, et la crainte des erreurs judiciaires rendra le travail de la police impossible.

Poison : Je me demande parfois si certains ne cherchent pas à rétablir l'insécurité pour détourner "le bon peuple" de toute critique sérieuse des inégalités sociales, pour rétablir la peine de mort et satisfaire ainsi en toute légalité quelques penchants naturels peu reluisants, ou pour préparer un génocide (pardon, une "épuration ethnique").

Evitez les partenaires qui s'accrochent à leurs jugements de valeur. Ils peuvent séduire parce qu'ils respectent visiblement des valeurs morales, mais souvent ils ne respectent que leurs principes et ils méprisent leurs partenaires.

Il y a plusieurs méthodes efficaces pour éviter les jugements de valeur, et pour ne pas se laisser impressionner par ceux des autres.

Limiter les confidences

Vous désirez sans doute parler de vous et être apprécié pour ce que vous êtes, et c'est bien normal, mais ce n'est pas une raison pour prendre des risques. Evitez de donner des informations personnelles ou de trop parler de vous à des inconnus, ou à des gens dont vous n'êtes pas absolument sûr. Vous pouvez parler de vous à condition que personne ne puisse rassembler assez de données sur vous pour vous nuire.

Exemple:

Albert a des problèmes au travail. Son chef est un malade mental soupçonneux et colérique. Albert a besoin d'en parler pour supporter le stress de la journée.

Il parle des troubles mentaux en général avec son coiffeur. Le coiffeur ne connaît pas le chef d'Albert. Il ne sait même pas où il travaille.

Albert rencontre souvent son cousin Marcel. Marcel aussi a des problèmes avec son chef: Marcel ne se sent pas considéré à sa juste valeur, et il ne manque pas une occasion de créer des problèmes à son chef, parce qu'il espère prendre sa place un jour. Quand ils sont ensemble, Albert et Marcel parlent beaucoup de leurs deux chefs.

Dans le train, Albert discute volontiers avec Elisabeth. Ils se donnent des nouvelles de leurs enfants, et ils s'échangent les potins de l'école. Elisabeth sait bien où Marcel travaille. Elle ne s'intéresse pas beaucoup à son entreprise, mais il se pourrait qu'elle soit en rapport avec des membres du conseil d'administration.

Si vous avez besoin de vous confier et que vous n'avez pas le temps de tester quelqu'un, adressez-vous à des professionnels. Choisissez des gens qui sont soumis à un minimum de contrôle, ou à un statut qui vous donne d'office une possibilité de représailles. C'est le cas par exemple des professionnels qui adhèrent à un code de déontologie, comme les médecins, les garagistes, les avocats, et certains psychologues. Vous pouvez aussi vous confier à des gens qui occupent une position d'où ils ne pourraient que difficilement vous nuire. Un clochard alcoolique par exemple.

Entretenir le contact

Vous avez trouvé un partenaire avec qui vous vous entendez bien. Vous avez organisé une ou plusieurs rencontres privées. Tout s'est bien passé et vous souhaitez tous deux poursuivre la relation. Il faut trouver le moyen de vous revoir plus souvent, prendre rendez-vous, et résoudre le problème des interruptions involontaires.

Quand on se voit de toute façon pour le travail, ou parce qu'on est voisins, c'est facile. Dans les autres cas, c'est beaucoup plus compliqué, et le moindre rendez-vous manqué peut conduire à une rupture accidentelle. Vous ne vous verrez pas souvent si vous vous contentez d'exprimer vos bonnes intentions. Il faut prendre rendez-vous et savoir quand et comment vous joindre en cas de problème.

Echangez vos numéros de téléphone, et dites quand on peut vous joindre. Prenez le temps de négocier des rendez-vous ou des rencontres de secours. Si l'un de vous n'a pas le téléphone, cherchez des personnes de confiance capables de vous transmettre rapidement des messages.

Surtout, n'interprétez pas trop vite les retards ou les absences. On peut avoir un empêchement et être dans l'incapacité de prévenir.

Acceptez les changements

Quand les contacts sont lents ou difficiles, les relations se transforment. La moindre rencontre devient un événement, et le moindre problème prend des proportions déraisonnables. C'est bien triste, mais c'est sans doute normal. Cela ne veut pas dire que votre entente était mauvaise ou superficielle, ni que votre partenaire ne tient pas à vous. Ne vous laissez pas emporter par la tristesse ou par la peur de perdre un ami. Acceptez les faits tels qu'ils sont, et prenez des mesures pour entretenir votre amitié à distance. Il y a des gens qui ne peuvent se rencontrer que quelques fois l'an et qui ne se négligent pas pour autant.

Exemple : Vous pouvez vous écrire, vous téléphoner de temps à autre, ou vous envoyer de petits cadeaux.

Exemple: Essayez les «lettres de château»: quand vous avez été bien reçu chez un ami que vous ne voyez pas souvent, écrivez-lui un petit mot dès votre retour pour le remercier.

Beaucoup d'amitiés s'éteignent naturellement, comme certaines rencontres ne contiennent pas les ingrédients nécessaires pour durer. L'entente n'est pas vraiment bonne, les échanges ne sont pas équilibrés, ou les compétences des partenaires ne sont pas assez compatibles. N'en tirez pas trop de conclusions. Acceptez les faits et séparez vous en paix, sans vous juger ni vous condamner.

 

 

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